De la frustration à la confiance

La semaine dernière, je vous partageais mon faux départ dans deux défis d’écriture. J’ai été fort contrariée de ne pas réussir à honorer mon engagement envers moi-même. Je m’en suis d’autant plus voulu que j’ai affiché publiquement ces challenges, avec cet enthousiasme qui caractérise tous mes débuts. Quelle image donné-je ? Pire, ensuite, j’ai livré mes premiers textes, et puis… pfffuit… plus rien… Au bout de cinq jours, plus de jus. Impossible de proposer un écrit à la hauteur de mes exigences. Pourtant, l’envie d’aller au bout du défi était présente, je pouvais même ressentir par avance la fierté de conclure l’épreuve victorieuse, alors quoi ?

J’ai mâchouillé ma colère durant le week-end, consciencieusement, comme un vieux marin chiquant son tabac. J’ai craché mon jus noir à petits jets impuissants, diffusant rageusement la tension autour de moi. Et toujours pas de mots sur la feuille… A plusieurs reprises, la pensée d’abandonner a pointé son nez, à chaque fois je l’ai congédié vertement. Pas de ça chez moi ! Lâcher l’affaire ? Ah ah pas question… Je dois réussir ce challenge, quoi qu’il m’en coûte.

La résolution est venue ce matin, tandis que la serpillère s’agitait sur le carrelage du salon. Comme à chaque session de ménage, j’avais lâché la bride à mes pensées. Elles caracolaient dans le champ des possibles, explorant joyeusement les réseaux d’énergie à la recherche de la voie la plus fluide. Mon corps astiquait furieusement le sol, je sentais l’énergie de la colère tendre mes muscles et raidir mes articulations. Et d’un coup, ça a lâché. Sans préavis, mon ventre s’est tordu. Ce n’était pas douloureux, juste… nécessaire. Un long sanglot sec, venu des profondeurs de mon être, a écarté mes entrailles pour se hisser jusqu’à ma gorge. Ses frères ont suivi, spasmes libérateurs, et leurs amies, mes amies, les larmes, ont rappliqué (« pas de fête sans nous ! »). Agrippée au manche du balai, j’ai déversé ma frustration en grosses gouttes amères.

Mes pensées avaient ramené de leur balade une autre déception, une autre attente non satisfaite, un autre désir non assouvi, que je n’avais pas voulu reconnaître. Cette part de moi qui refuse d’écrire sous la contrainte a trouvé son reflet dans cet autre qui ne me donne pas ce que je désire quand je le demande. Comment puis-je espérer l’harmonie avec autrui, si je ne l’autorise pas en mon sein ? Et comment satisfaire mon désir, qu’il soit d’écrire ou d’être en lien ?

Je ne peux pas plus me forcer que contrôler l’autre. Enfin si, je peux me forcer, mais j’écris de la merde. Et je peux aussi contrôler l’autre, par la manipulation, essayer de l’attendrir, de l’apitoyer ou, de l’autre côté, le menacer, plus ou moins discrètement. Mais est-ce vraiment cela que je désire ? Au fond du fond du fond de mon cœur, ai-je envie de liens contraints ? Ai-je envie d’un autre qui dirait Oui par lassitude, par peur, ou par envie d’avoir la paix ? Ai-je envie de mots extirpés avec violence et précipitation ? Non, bien sûr, mais pour autant, le désir est là…

Alors, pour ce soir, je resterai avec cela. Je goûterai mon envie de mots, comme je sentirai celle de lien. Je vais plonger dans ce creux en moi, ce vide que je crois abyssal, pour y découvrir, une fois de plus, qu’il est plein de confiance.

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