L’obsession commence presque gaiement, au réveil, dans ma tête encore ensommeillée, avec la puissance de Johnny sur les refrains: « Je n’éééé-taiiiiis qu’un fouuuuu, mais paaar aaa-mouuuur… ». Je fredonne machinalement la mélodie, me surprend à karaoker dans la cuisine avec le poing serré en micro invisible: « Elle aaa faiiiit de moiiii ….. un fouuuuu, un fou-d’a-mouuuuuur… »
Sous la douche, tandis que mes mains s’affairent sans conscience à étriller ma peau, mes lèvres entonnent en silence: « Je n’éééé-taiiiiis qu’un fouuuuu, mais paaaaar aaaamouuuur… ». Position wrock’n wroll devant le miroir, balancement diagonal campé sur les jambes fléchies, chaussette-micro: « Elle aaa faiiiit de moiiiii ….. un fouuuu, un fou-d’a-mouuuuur… »
Croquettes pour le chat. « Je n’éééé-taiiiiis qu’un fouuuuu… ». Bisou ma fille! Bien dormi? « …mais paaaaar aaaamouuuur… » Dépêche-toi, tu vas… « Elle aaa faiiiit de moiiiii… » être en retard! « …. un fouuuu… » A ce soir, amuse-toi bien « …un fou-d’a-mouuuuur… »
Aaaargh… Elle me saoule cette chanson! Ok, Johnny est mort, Repose en paix, mais là maintenant ça suffit, moi aussi je veux la paix, merde! Si je commence la journée sans mon rituel thé-bouquin-quand-fifille-est-partie-à-l’école, je suis foutue… Aaaah… le silence… On dirait que la chanson est partie… Ouf, ça fait du… « JE N’EEEE-TAIIIIIS QU’UN FOUUUUUUUUUUU ». Aaaaaaaargh! Zuuuuteu! La paix! Silence! Ta g….!
Grrr… Je rumine et fulmine pendant que mon thé infuse. Mes grognements mentaux prennent la place de Johnny dans ma tête, pas sûre que ce soit mieux, mais au moins je ne l’ent… « JE N’EEEE-TAIIIIIS QU’UN FOUUUUUUUUUUU…. » Oh bordel!
OK. Comment je sors ce truc de ma tête?
(Hi hi hi… J’adore ce truc avec la chanson dans la tête! J’aime bien la voir s’énerver, elle dit plein de gros mots qu’habituellement elle s’interdit! Et oui, la plupart des personnes s’agacent et cherchent à se débarrasser de l’air qui les obsède, alors que c’est un moyen qu’utilise leur âme pour leur passer des messages. Voyons ce qu’elle va faire avec celui-là…)
Je suis en train de lire Transurfing, la pentalogie perchée de Vadim Zelan, qu’est-ce qu’il suggère contre les chansons obsédantes? Pas de chapitre dédié, mais si je me fie à l’esprit des ouvrages, il vaudrait mieux pour moi que je vois du positif dans cet envahissement musico-matinal, sinon les forces d’équilibrage vont me pourrir. Là de suite je vois pas comment ces « ouuuuu ouuuuu » qui m’assaillent sans discontinuer pourraient avoir du positif… C’est quoi déjà les paroles? (Yes!) Petit tour sur le web, les voilà! Voyons ça…
Je vous préviens n’approchez pas
Que vous soyez flic ou badaud
Je tue celui qui fait un pas
Je ne ferai pas de cadeaux
Éteignez tous vos projecteurs
Et baissez ces fusils braqués
Non je ne vais pas m’envoler sans elle
Dites aux curés, dites aux pasteurs
Qu’ailleurs ils aillent se faire pendre
Le diable est passé de bonne heure
Et mon âme n’est plus à vendre
Si vous me laissez cette nuit
A l’aube, je vous donnerai ma vie
A quoi me servirait ma vie sans elle
Je ne suis qu’un fou, mais par amour
Elle a fait de moi un fou, un fou d’amour
Mon ciel c’était ses yeux sa bouche
Ma vie c’était son corps son cœur
Je l’aimais tant que pour la garder
Je l’ai tuée pour qu’un grand amour
Vive toujours il faut qu’il meure
Qu’il meure d’amour
Le jour se lève, la nuit pâlit
Les chasseurs et les chiens ont faim
C’est l’heure de sonner l’hallali
La bête doit mourir ce matin
Je vais ouvrir grand les volets
Crevez moi le coeur je suis prêt
Je veux m’endormir pour toujours
Près d’elle
Je n’étais qu’un fou mais par amour
Elle a fait de moi un fou, un fou d’amour
Mon ciel c’était ses yeux sa bouche
Ma vie c’était son corps son coeur
Je l’aimais tant que pour la garder
Je l’ai tuée je ne suis qu’un fou
Un fou d’amour, un pauvre fou
Qui meurt d’amour (*)
Ces paroles brulantes et glaçantes à la fois me touchent… Pas de parallèle possible avec ma life, personne n’a tuée pour moi, ni ne m’a tuée (en tout cas pas dans cette vie), mais … ça me parle… Quels sont les mots qui m’ont fait frissonner? (Bieeen, ça, de suivre les ressentis de ton corps! Tu pwogwesses ma chéwie). Je relis. Voilà, je les ai trouvés: « Je l’ai tuée pour qu’un grand amour / Vive toujours il faut qu’il meure / Qu’il meure d’amour « . Je reformule, sans la mélodie… Pour qu’un grand amour vive toujours, il faut qu’il meure d’amour… Moui… Et?
Dans notre chambre, le parquet grince, et je quitte mes pensées (Oh noooon, pas maintenant!). Chéri se lève… Il va passer m’embrasser sans y penser, se faire un café et s’installer sur le canapé pour afficher BFM TV, le tout sans prononcer une parole. On parie? Attends… bisou absent, café, télé, silence… Bingo! Pfff…
Le son des infos vient saloper mon beau silence matinal, et ça m’agace. Non, ça ne m’agace pas, ça m’insupporte. Et son silence à lui? Insupportable aussi! Quand je pense à la passion qui nous liait si intensément il y a 15 ans… Le grand amour du requiem de Johnny, c’est une amourette de cour de récré à côté! (Allez, alleeeeez, vas-y, fais le lien! Tiens, je te remets quelques notes de Johnny…)
« Je n’éééé-taiiiiis qu’un fouuuuu… » Ah tiens, c’est vrai, avant que chéri ne vienne rituellement perturber mon rituel matinal, je réfléchissais aux paroles du requiem.
Pour qu’un grand amour vive toujours, il faut qu’il meure d’amour… Alors… Réfléchissons… De quel grand amour s’agit-il? Chéri et moi ? Vu le début de notre histoire, je peux ranger sans problème cette affaire dans la catégorie Grand amour… Est-ce que je veux qu’il vive toujours? Ah ah! Bonne question!! Chéri est mon 3ème compagnon, j’ai quitté les autres parce que je n’ai pas su / pu dépasser le challenge que la vie me proposait avec eux. Vais-je recommencer, et partir à nouveau? « Naaaaan ! » crie la foule en délire. OK, je reste. Sauf que la question, c’est « pour toujours ». Alors? Pfff… J’en sais rien, donc on va dire que je reste pour le moment et on verra, quand toujours sera là, si on est ensemble. C’est un peu lourdingue l’introspection, parfois… Donc, si je veux ça, « il faut qu’il meure d’amour ». Par amour, je dois dézinguer mon amour… Peut-être est-ce une invitation à laisser s’enfuir les souvenirs de la passion, pour inventer une autre manière de s’aimer. Ca sonne bien. Mon mental bien rationnel trouve ça cohérent. Faut que je laisse reposer pour voir si mon âme suit… (Mais non c’est pas la peeeeei-neuuuh! Bien sûr que c’est ça! Il me saoule ce mental, à toujours faire barrage à ses intuitions!)
(*) Johnny Hallyday (chant), Gérard Layani (paroles), Gilles Thibaut (musique et production), 1976.
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