(J’aurais pu intituler ce texte « Game over », mais je réserve ce titre à mon premier article post-mortem.)
La chute
Il y a environ deux ans, j’ai décidé de reprendre un CDI d’ingénieur. Mes finances d’artiste plasticienne étaient au plus bas, j’étais criblée de dettes, et en état de stress chronique à cause de ces difficultés économiques. Avec le recul, je me demande encore comment j’ai pu pensé que c’était une bonne idée, mais voilà, à l’époque, ça me semblait pertinent.
La vitesse à laquelle j’ai été recrutée m’a confortée dans ce choix (« l’univers est avec moi, youhou »), et j’ai mis toute mon énergie et mon intégrité à relancer ma carrière salariée. Ce fut très joyeux de retrouver de vieilles connaissances (l’ingénierie ferroviaire est un petit milieu), et de renouer avec cette identité professionnelle que j’avais porté pendant quinze ans avant le burnout en 2016.
Las, six mois après mon embauche, je suis tombée d’épuisement. Le choc cognitif a été trop rude. Malgré ma vigilance, malgré le soutien dont j’ai bénéficié, passer de l’atelier d’artiste solitaire au plateau technique m’a un peu trop ébouriffé les chakras. Trois mois d’arrêt plus tard, nous avons construit, avec mon manager, une autre perspective, a priori plus appropriée. C’était un joli travail managérial, une belle co-construction, mais ça n’a pas suffi, et j’ai de nouveau été arrêtée par mon médecin.
Mes finances avaient certes retrouvé des couleurs, mais ma santé mentale s’était violemment dégradée. J’étais épuisée, honteuse de ne pas être à la hauteur, et pour être franche, bien paumée. Artiste ? J’adore, mais ça ne paye pas. Ingénieure? Ça paye, mais je ne suis plus capable d’exercer. Je suis qui ? Je fais quoi ?
La renaissance
Aidée par des spécialistes de l’accompagnement individuel, j’ai exploré en profondeur les questions de l’identité professionnelle, de la sécurité matérielle, de la contribution sociale, du désir de vivre. J’ai regardé le marché du travail, mes compétences, mes envies superficielles, mes désirs profonds, mes capacités physiques et cognitives. Mon corps, de son côté, a récupéré petit à petit, me redonnant vitalité et clarté mentale.
Je vous épargne les pistes explorées non retenues, les candidatures restées sans réponse, mes propres atermoiements, mes insécurités. Au final, je reviens à l’art, mais ça n’est pas le plus important. C’est une forme de contribution comme une autre, j’y trouverai bien une place. Non, le plus important, c’est que je reviens à moi.
Je reviens à mon âme, aimante et inspirée.
Je reviens à mon cœur, mon p’tit cœur si grand, mon cœur tout doux si puissant.
Je reviens à mes antennes, à mon intuition délicate, à mes évidences charnelles.
Je reviens à mon tempo, à ma lenteur d’escargot mâtinée de fulgurances de guépard (je suis un guépargot ah ah).
Un pas après l’autre, mes limites dessineront le chemin. Quand j’aurai peur, je m’arrêterai, je me cajolerai, et puis je reprendrai ma route.
Quoi d’autre, sinon marcher ma vie d’humaine ?
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